Les problèmes ne se surviennent jamais là où on les attendait.
Alors que, depuis le début de l’année, les marchés financiers ignoraient superbement les excellents chiffres des entreprises pour se concentrer sur les ombres du tableau, l’inflation et les mesures prises par les banques centrales pour l’enrayer (hausse des taux directeurs et arrêt progressif des politiques accommodantes), c’est sur le plan géopolitique que le coup a été porté.
Jeudi 24 février, la Russie lançait son offensive sur l’Ukraine, après des semaines d’escalade des tensions entre les deux pays et des heures de négociation.
Quand des conflits se dessinent, la finance comportementale incite souvent les investisseurs à solder au plus vite leurs actifs pour les mettre à l’abri. A tort, le plus souvent, car l’histoire nous enseigne que ces baisses sont généralement et rapidement suivies de périodes de formidable reprise.
Pour autant, le fameux adage boursier, qui nous exhorte à « acheter au son du canon et vendre au son du clairon » pourra-t-il à nouveau se vérifier ?
Certains éléments nous poussent à réserver notre jugement, en tout cas pour le moment. L’évolution des relations internationales pourrait avoir des incidences positives et négatives sur nos économies.
Au plan financier, nous en verrons les traductions concrètes pour nos allocations.
1) Un conflit déséquilibré
La forme que prend le conflit opposant la Russie à l’Ukraine diffère des configurations traditionnelles. Traditionnellement, une guerre oppose les Etats belligérants au plan militaire, avec une succession de luttes armées. Les sanctions économiques, si elles existent, sont « accessoires » et jusque-là peu efficaces.
Pour l’heure, si des affrontements ont bien lieu entre Russie et Ukraine, la réponse des autres nations, à commencer par l’Union européenne et les Etats-Unis, exclut pour le moment le recours à la force armée, se limitant à des sanctions économiques et financières. L’objectif visé par l’Europe est d’isoler la Russie au plan économique de manière à lui faire renoncer à ses appétits expansionnistes.
Ainsi, au rang des mesures phare de la réponse européenne, l’exclusion de la majorité des banques russes de la plateforme bancaire Swift, avec pour conséquence le gel des importations et des exportations soviétiques (sauf le gaz), mais aussi le gel d’une partie importante des réserves de la Banque centrale russe, détenue par les pays du G7.
Difficilement lisible, le conflit pèse dès lors sur les marchés financiers sans pour autant provoquer, à ce jour, un krach franc, qui offrirait plus clairement des opportunités à l’achat. A l’inverse, la fin du conflit ne sera pas forcément le signal de la hausse des marchés, si les mesures économiques continuent d’être un frein à la croissance des pays occidentaux.
2) Des incidences contrastées
Psychologiquement, l’invasion de l’Ukraine met fin à l’une des plus longues périodes de paix que l’Europe ait connue au cours de l’histoire. On commence à prendre conscience qu’en dépit des dénégations occidentales, notre destin réside pour beaucoup entre les mains du maître du Kremlin, qui pourrait, s’il poussait plus soin ses ambitions de conquête territoriale, nous faire basculer dans une troisième guerre mondiale. Face à cela, l’Europe et l’Allemagne en tête, prend conscience de sa dépendance énergétique ainsi que de sa faiblesse militaire. Sur ce plan, au travers de l’OTAN, c’est cette fois entre les mains de Joe Biden que nous avons remis notre défense.
Dans l’immédiat, deux mesures notables ont été prises sur les derniers jours : d’une part, la fourniture, par les Vingt-Sept, d’une assistance militaire à l’Ukraine en guerre, et d’autre part, le réarmement de l’Allemagne.
Au plan économique, à première vue, Russie et Ukraine représentent, à elles deux, moins de 3% du PIB mondial, ce qui plaide en faveur d’un impact limité pour la croissance mondiale.
Néanmoins, les sanctions prises par l’Union européenne contre Moscou ne nous laisseront pas indemnes : le pays des Tsars reste le 5ème marché d’exportations pour l’Union européenne (pour l’essentiel, produits manufacturiers, pharmaceutiques). Mais c’est surtout sur le plan des ressources naturelles que les conséquences pour nous seront les plus fortes. 45% du charbon, 40% du gaz et 25% du pétrole importés par l’Union proviennent de Russie. Interrompre nos échanges commerciaux aura nécessairement un impact haussier sur les cours de l’énergie.
A court terme, les conséquences positives des évènements récents ne sautent pas aux yeux.
Pourtant, ces situations de pénurie amènent souvent à reconstruire sur des bases plus solides. La crise du Covid-19, en mettant en lumière notre dépendance vis-à-vis de l’Asie dans de nombreux domaines,
comme celui des semi-conducteurs, nous oblige à réorganiser une filière que nous avions laissé dériver depuis près de 40 ans. Un plan de 42 milliards d’euros a ainsi été voté au niveau communautaire pour nous permettre de revenir dans la course.
De même, les difficultés d’approvisionnement en matière d’énergie, accrues par l’épisode ukrainien, nous conduiront sans doute à restaurer notre souveraineté dans ce secteur clé, et à conforter nos choix nationaux en faveur du nucléaire.
Jusqu’à présent, la construction d’une force militaire européenne n’avait jamais pu aboutir, se heurtant notamment au refus catégorique de l’Allemagne de se réarmer, par peur de voir rejaillir de vieux démons. Cela explique notre dépendance vis-à-vis de l’OTAN. Le récent revirement germanique devrait nous permettre de changer la donne, tout en renforçant la position de certains fleurons de notre industrie, Thalès, Dassault Systèmes, Safran en tête.
Après 77 ans de paix, la prise de conscience qu’un conflit armé est à nos portes fait renaître un sentiment patriotique européen pouvant être propice à un rebond économique.
D’une manière plus générale, la crise sanitaire comme l’évènement géopolitique font évoluer les mentalités en faveur d’une reprise en main de notre destin, susceptible de faire renaître à l’intérieur de nos frontières un dynamisme économique accru, qui devrait se traduire dans les résultats des entreprises.
3) La traduction dans nos allocations
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